Une mutation accélérée par la crise sanitaire
Depuis le covid et l’essor du télétravail, le marché de la formation linguistique a profondément changé. Alors que le présentiel dominait historiquement, il ne représente plus que 30 % des formations contre 70 % pour le distanciel. Une inversion spectaculaire, soulignée par Sana Ronda (Linguaphone), qui rappelle que la tendance était déjà amorcée avec la mise en place du cadre réglementaire de la Formation Ouverte et À Distance (FOAD). Le covid n’a donc pas créé le phénomène, mais il l’a accéléré de manière décisive.
Les atouts du distantiel
Si les formules en ligne s’imposent, c’est avant tout pour leur souplesse. Les salariés peuvent apprendre où ils veulent, quand ils veulent, sans être contraints par un calendrier rigide ni par la présence physique d’un formateur. Pour les entreprises, c’est aussi un gain en efficacité : elles n’ont plus à se priver d’un collaborateur pendant plusieurs semaines pour un stage intensif à l’étranger. Comme le souligne Agnès Rémond (7Speaking), les coûts sont réduits, les déplacements évités, et la gestion des cours mieux optimisée.
Le distanciel permet également d’accéder à une diversité de ressources inédites en présentiel : vidéos d’actualité, podcasts, articles de presse étrangère, cours animés par des professeurs natifs partout dans le monde. François Fourmentin (Cercle des langues) insiste sur cette richesse pédagogique et sur la fluidité offerte par des outils numériques comme les carnets de suivi ou les agendas en ligne, inspirés de Doctolib, pour réserver facilement des cours.
Les limites : motivation et interaction sociale
Toutefois, le modèle à distance n’est pas exempt de critiques. L’un des principaux reproches est la perte de motivation. Apprendre une langue exige une pratique régulière et un engagement sur plusieurs mois. Or, sans accompagnement suffisant, les apprenants risquent de décrocher. C’est pourquoi les organismes multiplient les solutions : chats intégrés, quiz interactifs, réseaux sociaux internes pour écrire dans la langue cible, ou encore suivi personnalisé par un responsable pédagogique.
Les experts rappellent aussi l’importance de l’interaction sociale, élément clé de l’apprentissage. Qu’il soit en ligne ou en présentiel, le lien avec un formateur reste central. Arnaud Portanelli (Lingueo) alerte sur les “formations mal conçues ou mal accompagnées” qui nuisent à l’efficacité du distanciel. D’ailleurs, la réglementation impose désormais de véritables évaluations, et non de simples relevés de connexion, pour prouver la qualité de la formation.
Le présentiel : une valeur toujours reconnue
Malgré son recul, le présentiel conserve une place de choix, notamment pour des enjeux stratégiques ou économiques importants. Pour préparer l’ouverture d’une filiale à l’étranger ou développer des compétences en prise de parole, l’immersion reste jugée indispensable. Certains organismes explorent des modèles hybrides, comme le “flexi-teacher”, mêlant cours en présentiel et distanciel. Les avis divergent toutefois : certains y voient une solution équilibrée, d’autres estiment qu’il vaut mieux concevoir un programme exclusivement pensé pour un format ou l’autre.
Une offre à adapter aux besoins des entreprises
Au final, le choix entre présentiel, distanciel ou hybride dépend des objectifs. Pour développer la compétitivité des salariés, soutenir une expansion internationale ou renforcer la marque employeur, les entreprises doivent définir leurs priorités et choisir le modèle le plus adapté. Les organismes de formation, eux, doivent conjuguer innovation numérique, qualité pédagogique et accompagnement humain pour répondre à ces attentes.
Ainsi, le boom des formations linguistiques en ligne ne signe pas la fin du présentiel, mais redessine durablement le paysage de l’apprentissage des langues. Le digital apporte flexibilité et accessibilité, mais son succès dépendra toujours d’un accompagnement rigoureux et d’une pédagogie centrée sur l’humain.